La Fast Fashion

Les questions autour de la Fast Fashion

Phénomène apparu dans les années 90, le terme anglo-saxon Fast Fashion désigne le renouvellement très rapide des collections d’articles de mode vestimentaire. Son objectif est de produire massivement des vêtements en un temps record. Aujourd’hui, une robe dessinée à Paris le premier du mois, peut être fabriquée à la chaîne en Asie du Sud-Est pour une commercialisation dans le monde entier un mois plus tard. La Fast Fashion soulève bien des questions, à la fois éthiques et écologiques. En voici les clefs.</strong>

La Fast Fashion : de quoi parle-t-on ?

Au cours de la dernière décennie, de nombreuses marques sont passées annuellement de deux collections à six, voire même davantage. Le but avoué de cette mini révolution est d’offrir, perpétuellement et à budget réduit, la pointe de la mode aux consommateurs. Pour ce faire, les géants du prêt-à-porter sont en recherche quasi obsessionnelle de la vogue de l’instant t. Ces investigations passent à la fois par les défilées de mode dont les modèles sont de plus en plus faciles à copier.

La Fast Fashion ne concerne pas les marques de luxe mais certaines collaborent étroitement avec les enseignes populaires. Les stylistes adoptent aujourd’hui des modes de création pour répondre aux nouvelles tendances, c’est-à-dire fabriquer vite (quick-response) et en masse (souplesse dans le processus de fabrication). Un modèle facile à coudre est aussi un modèle moins cher. Les tissus utilisés ne sont pas très raffinés (type jersey) et sont manufacturés dans des pays à faible main-d’œuvre et forte productivité. En quelques semaines, des tenues parfois inspirées d’anciennes collections mais au tissu changé inondent les magasins de la planète. Et il doit y avoir le choix, chaque article est décliné en un maximum de tailles et de coloris.

La fin des fins est la vente à bas prix de vêtements destinés à être portés pour un temps très court. L’accessibilité du coût doit entraîner une incitation puissante à renouveler plusieurs fois par an sa garde-robe. Et ce, sans attendre les périodes de soldes. Les séries sont donc relativement passagères et les stocks minimum pour encourager des permutations infinies. En définitive, les références proposées sont déterminées pour générer de la lassitude chez les clients.

La Fast Fashion : pourquoi y-a-t-il des controverses ?

Et la créativité dans tout ça ? Impossible de se faire accuser de plagiat en changeant une longueur de manche ou l’emplacement d’un bouton. Les défilés haute couture et la Fashion Week ressemblent désormais à des réservoirs pour créations éphémères. Croiser dans la rue une personne avec le même tee-shirt que soi n’est pas chose rare de nos jours. C’est un des risques de cette manifestation : l’uniformisation et le caractère impersonnel de l’effet de mode.

Chez les adolescents instagrameurs, « be in » est un facteur important d’inclusion sociale. Ne pas suivre le mouvement peut se révéler désastreux pour des individus en construction. C’est-à-dire, ne plus se voir défini par sa personnalité mais par ses possessions. De plus, la propension à l’e-shop s’amplifie, notamment pour les jeunes gens. On y trouve aisément tailles, coupes et couleurs pour commander des « fringues » qu’on ne mettra probablement qu’une fois, voire jamais.

Autre polémique, ces tissus non qualitatifs (en plastique bien souvent) se déforment au bout de quelques lavages. L’obsolescence est programmée, les placards s’encombrent, les déchèteries fleurissent. Quid des substances chimiques utilisées pour fixer rapidement les couleurs ? On ne connaît pas encore les conséquences sur notre santé à long terme. Les ouvriers du tiers-monde qui manipulent ces produits sont peu conscients des risques et peu protégés. Des pays comme le Bangladesh où 50 % des enfants de 14 ans travaillent sont dépendants de l’industrie textile pour leur PIB (rapport de l’ODI de décembre 2016).

La Fast Fashion : quels impacts pour l’environnement ?

D’après le documentaire Vêtements, n’en jetez plus! d’Elsa Haharfi, l’industrie textile est la deuxième plus polluante, juste après celle du pétrole. Imaginons qu’il faut 5 200 litres d’eau pour récolter… 1 kg de coton. La production de ce dernier nécessite, qui plus est, l’emploi d’une quantité non négligeable de pesticides. Blanchie au chlore et teintée avec des métaux lourds, la fibre de coton est source de contamination chimique pour le milieu et les Hommes. De même, 1,5 kg de pétrole est nécessaire pour produire 1 kg de polyester. Lors des passages en machine, les microparticules de plastique se détachent. Ne pouvant être filtrées, elles sont rejetées dans les océans du globe et viennent alimenter les continents de plastique.

D’autre part, les flux logistiques sont tendus à l’extrême. Pour transporter à toute vitesse des tonnes de pièces aux quatre coins de la terre, ce sont des milliers de tonnes de kérosène qui servent comme combustible pour les avions. On peut aussi mentionner que l’industrie de la mode participe à la déforestation liée à la production d’emballages carton.

A défaut de pouvoir recycler leur production, les grandes marques de prêt-à-porter génèrent des millions de tonnes de déchets textiles chaque année. Certaines, qui renouvellent leurs collections jusqu’à deux fois par semaine, contribuent encore plus largement à ce phénomène. L’objectif, insinuer qu’un habit acheté la saison dernière est forcément démodé, et il y a plus d’un an, complètement has-been.

Alors quel devenir pour les vêtements en fin de vie ? Une étude de l’agence américaine de protection de l’environnement (EPA) montre qu’un Américain jette en moyenne chaque année 36 kilos de vêtements et qu’environ les 4/5e finissent en décharge ou en incinérateur. Point de compost pour le textile. Or, la dégradation progressive des fibres naturelles (soie, lin, coton) produit du méthane, un gaz à effet de serre bien connu. La pollution atmosphérique dégagée serait équivalente à 7,3 millions de véhicules !

Enfin, lorsqu’ils sont brûlés, les textiles libèrent un certain nombre de toxines dans l’air ambiant. La biodégradation des fibres synthétiques issues du pétrole (acrylique, nylon, polyester) est nocive pour le milieu et prend des centaines d’années. Il en est de même pour les fibres naturelles qui sont « soumises à de nombreux processus artificiels avant de devenir des vêtements. Elle sont décolorées, teintes, imprimées et décapées dans des bains chimiques », d’après Jason Kibbey, dirigeant de la Sustainable Apparel Coalition. Des produits chimiques peuvent ainsi se retrouver dans les nappes phréatiques (cas des décharges mal étanchéifiées).

La Fast Fashion : comment en sortir ?

Les vêtements récupérés par les grandes collections pour être recyclés ne représentent qu’entre 0,1 et 0,3 % des déchets de la catégorie (enquête de Courrier International d’octobre 2016). Quelques marques essaient de tirer leur épingle du jeu en créant des modèles en coton bio. Les prix, par contre, ne peuvent pas rester aussi compétitifs. En France, les initiatives se sont multipliées ces dernières années. Dorénavant, un bon tiers du linge mis au rebut est collecté par la filière de valorisation : la majorité (62 %) est revendue ou donnée en friperie, le reste est effiloché pour créer des tissus de moindre qualité ou des chiffons.

Des solutions faciles peuvent être mises en place individuellement : réemployer l’existant, troquer avec le voisin, chiner dans les étales, recycler grâce aux conteneurs à vêtement. Quelques marques misent à présent sur le développement durable, l’économie circulaire et freinent la surproduction. En France, le projet de loi anti-gaspillage est à l’étude pour interdire la destruction des invendus neufs. La sensibilité écologique et la production durable s’accroissent dans le monde. Le modèle de la Fast Fashion ne semble pas tenable dans le temps. La prise de conscience des limites du modèle consumériste est lente mais globale. il ne s’agit pas là de culpabiliser les consommateurs, mais de les informer. La demande fera l’offre.

EquiTerre France s’engage dans la lutte à la fast fashion

Depuis ses origines EquiTerre France a accordé une place importante à la sensibilisation du grand public à la sphère de l’habillement. Tout d’abord, lors de sa création EquiTerre France commercialisait en France des créations textiles (sacs et vêtements principalement) issus du commerce équitable réalisés par des coopératives implantées au Burkina Faso, Inde et Népal. Ensuite, des défilés de mode éthiques ont été organisés pendant plusieurs années par les antennes de Paris et de Bordeaux. Encore, des événements comme le Equitroc Party ont été mis en place de manière régulière depuis 2014 afin de sensibiliser le grand public à l’impact environnemental et humain qui se cache derrière la fast fashion et de proposer des alternatives concrètes.

Enfin, EquiTerre participe au collectif clermontois de la fashion revolution.

Jérémy Jean

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